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jeudi 6 novembre 2025

la lettre de Margeride - ( RC )


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Bien entendu, on pourrait entendre les âmes errantes,

ou ce qu'on suppose être celles des temps passés,

se froisser les unes contre les autres dans les bois sombres

de ce Gévaudan,           qui porte en son ventre

tant de légendes,        que les visages des gens

en portent quelque part la marque.


Ils entendraient presque ,       dans la course du vent,

                 les hurlements de loups solitaires.

Car parfois ils s'aventurent sur les prairies céladon, 

ceintes de loin en  loin de rocailles effritées...


Les frissons  d'automne s'accompagnent déjà de givre,

et l'ombre des frênes  paresse, en laissant une trace blanchâtre,

qui s'allonge malgré le parcours naissant du soleil, 

au matin, en Margeride .


On s'abrite derrière les murs chaulés, 

où dépassent des lits de pierres irrégulières,

qui s'animent au rythme des flammes de la cheminée.

Toute chose semble bouger, et le vent doucement, gémit ,

cherche à se faufiler sous la porte, ou dans l' interstice

d'une  fenêtre, chanson persistante, 

comme une parole inintelligible,

qui, dans le silence absolu, 

chercherait à nous dire quelque chose.


C'est comme le murmure des ancêtres qui ont,

longtemps auparavant, habité ces lieux, 

aimé ce que les arbres avaient à leur dire, 

même de ces bois que l'on entend parfois craquer 

à la jointure des poutres, 


le fenil, où les ombres ont dormi

sous la charpente, 

la grange où le linge claque aux bourrasques,

quand elles précèdent la tempête...


Un ciel parsemé de nuages fuyant vers le sud 

donne des nouvelles de l'invisible, 

l'azur a ce jour, la fragilité d'une porcelaine, 

...prémisse de froidure à venir. 


Il est temps  que je t'écrive, 

              toi qui connais le pays

et en a goûté un peu de sa solitude, 

aux ailes de soupir.... 

lundi 20 octobre 2025

la conque du vent et les herbes sauvages - ( RC )

 




La conque du vent 

fait chanter les herbes sauvages

          elles n'ont de limite

          que ceux des contours

des chemins de solitude...


des chemins que l'on parcourt

à nu sous le crépitement du soleil

ou dans les enjambées

des pins sylvestres


ils se hissent même

au sommet des monts

quand ceux-ci sont assez aimables

pour leur laisser une place

devant les murs de calcaire.


Sur le causse,

ils seraient cathédrale

               à ciel ouvert:

roche grise ou dorée

à la liturgie minérale...


Une eau - si rare maintenant -

l'a modelée, sculptée, perforée.

                   Sentinelles du passé

                 verticales harassées

              qu'une route étroite

           essaie de contourner,

les vautours eux, veillent

     dans les anfractuosités.


De vallée en vallée

  leur vol noir

   est un trait de silence

    lancé dans les airs

          ...nos foulées si lentes

          en comparaison 

       peinent à nous porter

  avec maints détours...


         Nous apprenons la distance

       le pas recommencé,

      le gris de la roche

     l'amande étirée de la doline

    les croix de chemins,

  la cohorte des nuages

 accrochée au loin

aux pentes de l'Aubrac...


jeudi 16 octobre 2025

le toit de la bergerie - ( RC )

 


photo RC          domaine de Boissets


Il est encore un de ces jours 

où les nuages ont l'âme légère.


On se demande encore

pourquoi le toit se prolonge

ainsi jusqu'à la terre.

C'est qu'il faudrait alors

 envisager le retour

des temps où le sourire s'efface,

les temps de neige et de glace:


Qui risquerait ses pas dehors

ne tarderait pas à se trouver un abri

contre les vents du plateau        solitaire

la chaleur animale du troupeau de brebis,

          sous le poids suspendu du calcaire

le causse alors désert

au-dessus de Sainte Enimie...


Il s'agira de passer un hiver

parmi les plus rudes

dans la grange isolée,

            arcboutée sous la pierre

compter les journées de solitude

au son d'une meute de loups affamés

hurlant sous une lumière lunaire


contrepoids au silence épais 

qui s'éterniserait

posé sur les drailles enneigées

et les pins noirs          figés en blocs obscurs

                               celui de la nuit

où l'on distingue à peine la toiture

touchant terre,        de la bergerie...

mardi 24 septembre 2024

dans un temps suspendu, indéfini - ( RC )

 



photo Michel Séguret - Causse Méjean l'hiver



Les plaies du sol saignent de leurs veines:

des précipices, des abîmes
des roches qui les surplombent
de gardiens du temps,
inamovibles.

Les vautours s’en font refuge
surveillent les vallées profondes,
les minces filets d’eau
brillant comme argent.

Tout cela se passe de paroles,
qui de toute façon,
ne trouveraient pas d’écho
aux extrémités opposées des causses,
désaccords de nue solitude.

Il n’y a que la neige
pour lui donner une unité:
l’un après l’autre, les reliefs en sont recouverts:
elle panse les blessures
même de façon provisoire:

chaque petit grain minuscule s’accrochant
à l’immobile, rejoint son semblable
pour étendre sa lingerie immaculée.

Cela sans le moindre bruit.
A l’orée du bleu, le ciel disparaît
derrière un rideau gris,
d’autant plus gris que le blanc
répercute dans son velours
la moindre lueur.

Il semble à portée de main
et la lumière est en sa demeure
celle des choses occupant tout l’espace,
trop grand sans doute pour nous,

car tout s’efface,
comme si plus rien ne subsistait
sous la surface unie,
vierge de toute présence,

dans un temps suspendu, indéfini.

samedi 10 août 2024

dans un temps suspendu, indéfini - ( RC )

 

photo Michel Séguret - " au bout du champ"  ( causse Méjean )




Les plaies du sol saignent de leurs veines:

il y a des précipices, des abîmes 

où les roches qui les surplombent

ont l'air de gardiens du temps,

inamovibles.


Les vautours s'en font refuge

et surveillent les vallées profondes,

les minces filets d'eau

brillant comme argent.


Tout cela se passe de paroles,

qui de toute façon,

ne trouveraient pas d'écho

aux extrémités opposées des causses,

désaccords de nue solitude.


Il n'y a que la neige

pour lui donner une unité:

l'un après l'autre, les reliefs en sont recouverts:

elle panse les blessures

même de façon provisoire:


chaque petit grain minuscule  s'accrochant

à l'immobile, rejoint son semblable

pour étendre sa lingerie immaculée.


Cela sans le moindre bruit.

A l'orée du bleu, le ciel disparaît

derrière un rideau gris,

d'autant plus gris que le blanc

répercute dans son velours

la moindre lueur.


Il semble à portée de main

et la lumière est en sa demeure

celle des choses occupant tout l'espace,

trop grand sans doute pour nous,


car tout s'efface,

comme si plus rien ne subsistait

sous la surface unie,

vierge de toute présence,


dans un temps suspendu, indéfini.